Sgen-CFDT Hautes-Pyrénées

Syndicat Général de l'Education Nationale

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Soyons offensifs...

le 15 février 2010


Dans une tribune publiée dans Le Nouvel Observateur du 11 mars 2010, François Chérèque et Edmond Maire s’interrogent sur comment redéfinir le rôle de l’État et des acteurs politiques et économiques en écartant les idées toutes faites et les solutions simplistes.

Le débat lancé dans les colonnes du « Nouvel Observateur » sur l’avenir de la gauche et le rôle attendu du syndicalisme ne peut laisser la CFDT indifférente. Les orientations de notre confédération dans les années 1960-1970, constitutives de ce qui fut parfois résumé sous les termes de « deuxième gauche », exprimaient une quadruple exigence :
  • refus de l’omnipotence de l’Etat et extension du rôle de la société civile,
  • développement d’une culture de responsabilité dans les choix politiques,
  • intervention des forces sociales dans la gestion économique pour éviter les dérives du capitalisme financier et les nationalisations étatiques,
  • pour réussir les réformes, prise en compte par les pouvoirs politiques de la nécessaire participation de forces sociales conscientes des difficultés à résoudre.
Quarante ans ont passé, le sentiment d’urgence qui nous mobilisait alors s’est parfois atténué au fil des transformations de notre monde. Aujourd’hui, face au marasme dominant, l’aspiration autogestionnaire qui nous animait, cette volonté d’émancipation individuelle et collective, de démocratie participative, de construction d’un renouveau gardent toute leur force. C’est le sens de notre intervention conjointe.
Ecartons les solutions simplistes. L’impatience légitime à contrecarrer le développement impitoyable du libéralisme économique et l’aggravation des inégalités ne sauraient se satisfaire d’une critique sociale additionnant vainement les errements des pouvoirs politiques successifs, cultivant la nostalgie stérile d’un monde binaire, classe contre classe, ou renvoyant l’avenir à une vision idéalisée de l’unité du monde syndical.
Nous vivons dans un monde désormais totalement ouvert, en perpétuel mouvement, où les mutations affectent la société tout entière, la vie au travail, l’entreprise, la démographie, l’environnement, les rapports de pouvoir entre tous les acteurs politiques, économiques, syndicaux, associatifs.
Réduire la crise que nous subissons à ses racines économiques ne peut permettre de la résoudre. Car elle est d’abord une crise de sens, dont le dépassement appelle une mobilisation convergente de toutes les forces sociales et politiques.
Refusant de s’en tenir à des incantations stériles, rejetant la fuite dans la radicalité, notre syndicalisme a pour ambition de tracer, avec d’autres, le chemin d’un monde vivable et durable. A la place qui est la sienne, sans confusion des rôles, le syndicalisme doit porter haut et fort quelques utopies réalistes dont nous proposons ici une brève approche.
Faire de la démocratie sociale un moyen de peser sur la gouvernance des entreprises
La réforme de la représentativité syndicale, voulue par la CFDT et la CGT, a un fondement démocratique que tout syndicaliste devrait partager : donner aux salariés le pouvoir de choisir par leur vote les syndicats qui les défendent et négocient en leur nom. La démocratie dans l’entreprise a fait un pas en avant.
Ce changement en appelle d’autres. Et d’abord inverser la tendance qui a vu au fil des ans les actionnaires supplanter les managers. La recherche de la rentabilité financière à court terme et à tout prix a perverti la finalité et le fonctionnement des entreprises. Nombre de dirigeants ont épousé cette dérive. Certains bénéficient de rémunérations démesurées et créent une « société de corps séparés », selon l’expression de Jacques Julliard, injustifiable dans une République « une et indivisible ». Raison de plus pour exiger que la finalité des entreprises et la rémunération de leurs dirigeants ne soient pas liées essentiellement à des résultats financiers mais fondées tout autant sur des critères sociaux et environnementaux. Ainsi la notation sociale des entreprises, instrument vigilant au service du bien-être des salariés et de la compétitivité pérenne des entreprises, doit prendre une place égale à celle de la notation financière dans l’évaluation des entreprises.
L’information des salariés et de leurs représentants le plus en amont possible des décisions doit permettre d’influer sur les choix de la gouvernance. Mettre les salariés au coeur de la stratégie de l’entreprise s’inscrit dans l’émergence d’un nouveau modèle de croissance, de production et de redistribution des richesses.

Concentrer l’action de l’Etat sur un petit nombre de priorités
Un Etat qui veut être omniprésent est finalement, au-delà des apparences, un Etat impuissant. Partisans d’une modernisation de la fonction publique, nous déplorons la frénésie de réformes dont les usagers et fonctionnaires font aujourd’hui douloureusement les frais, comme vient de le relever le rapport du médiateur de la République.
Première priorité pour l’Etat : ramener les banques à leur véritable métier. Les sauver était une nécessité, en assurer l’entière gestion serait une erreur. Il faut les ramener à leur fonction, celle d’accompagner le développement de l’économie et des entreprises. L’Etat, fort de son rôle de prescripteur, régulateur et contrôleur, doit désormais imposer ce retour vertueux des banques à leur mission première.
Deuxième priorité pour l’Etat : réduire les inégalités. Leur creusement et l’accroissement de la précarité ne sont pas une fatalité. Les organisations syndicales ont agi pour que nos systèmes de protection sociale jouent pleinement leur rôle. Mais ces amortisseurs sociaux sont menacés par les déficits accumulés au fil des ans et ne peuvent répondre à toutes les attentes. Pour reconstruire notre pacte social, des réformes courageuses sont à engager. Elles peuvent être comprises à condition d’être perçues comme justes et réductrices des inégalités trop nombreuses dans nos systèmes de protection sociale. C’est en particulier l’enjeu du débat de fond qui s’engage sur les retraites.
Mais d’abord l’impôt doit être réhabilité dans son rôle redistributif. Le recul systématique depuis plusieurs années de l’impôt progressif sur les revenus n’est pas tolérable. Cessons de nous lamenter devant les salaires astronomiques de certains grands patrons. Si nous ne pouvons imposer la décence aux conseils d’administration, exigeons que l’impôt fasse le travail à leur place. Nous n’en sommes plus à esquisser comme dans les années 1970 une échelle des salaires de 1 à 10, pour autant l’application d’un taux d’imposition de 75% ou 80% laisserait encore à certains plus d’un siècle de smic par an. Est-ce tellement confiscatoire ?

Réussir la mutation du développement durable
La CFDT porte depuis toujours un regard critique sur les modes de production les plus intensifs, les plus productivistes, au détriment des salariés. Elle avait dénoncé dès la fin des années 1970 les « dégâts du progrès ». Elle entend faire du développement durable le socle des nouveaux compromis nécessaires au vivre ensemble à l’échelle de la planète.
En cela, l’avenir de l’industrie et des emplois qu’elle porte ne peut être dissocié des enjeux environnementaux. Il s’agit de mettre en cohérence les discours tenus sur l’avenir des filières industrielles et les engagements du Grenelle de l’environnement. On ne peut d’une main inciter à réduire la consommation énergétique et de l’autre ignorer le devenir des raffineries et de leurs salariés. Au lieu d’attendre, au prix d’un coût financier et humain exorbitant, pour mettre en chantier les reconversions industrielles inéluctables - rappelons-nous le drame de la mutation de la sidérurgie dans les années 1970 -, traitons les problèmes à temps très amont avec toutes les parties concernées.
La prise en compte des défis environnementaux est devenue centrale dans la survie de l’économie sociale de marché et de la compétitivité des entreprises. Elle est une formidable opportunité pour développer l’économie sociale et solidaire et créer un autre modèle de croissance soucieux des enjeux de solidarité et des générations futures.

Doter l’Europe d’un pouvoir de régulation de la mondialisation économique
Lorsque la construction européenne privilégiait le marché commun, la libre circulation des biens et des personnes, l’ambition que nous portions, incarnée par Jacques Delors, visait à rééquilibrer cette ouverture par une régulation sociale construite par le dialogue des partenaires sociaux. Cette régulation fait aujourd’hui gravement défaut.
La « communauté » européenne est devenue de fait une union « intergouvernementale » où les Etats regardent l’Europe comme un lieu de défense de leurs intérêts et non comme un moyen de préparer l’avenir et de promouvoir une autre vision de la mondialisation. L’échec du sommet de Copenhague l’a tristement démontré. Refusant fort heureusement l’impasse du protectionnisme, l’Union européenne n’assume pas son rôle de régulation face à l’ouverture sans limites des frontières. Marcel Gauchet a raison de vouloir engager un débat sur « un régime de protection intelligent ».
Pour peser en faveur d’une maîtrise sociale de la mondialisation, le syndicalisme européen doit dépasser l’addition d’intérêts nationaux, définir les lignes forces d’un projet social commun et construire une véritable confédération des salariés européens.

Un syndicalisme ouvert et offensif
Sur les pistes que nous venons d’évoquer, le débat entre les organisations syndicales est évidemment nécessaire. Il ne suffit pas de constater la chute du mur de Berlin pour en conclure qu’elles doivent fusionner. Il est sain que les approches et les conceptions différentes qui traversent la société s’expriment sans obérer la recherche de l’unité syndicale à chaque fois que nécessaire.
Mais disons-le clairement : à la chimère de l’unification, nous préférons le dynamisme d’une coopération syndicale porteuse de progrès social. Nous n’avons pas de modèle de société clés en main à proposer mais nous avons l’ambition de bâtir, avec d’autres, une société plus juste, plus démocratique, plus solidaire.
Il est temps de passer à l’offensive !
François Chérèque et Edmond Maire ( Le Nouvel Observateur)